La grande histoire de la boîte de conserve

Ringarde la boîte de conserve ? Certainement pas ! 

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 80 milliards de boîtes sont produites chaque année pour les 8 milliards d’habitants de la planète.

Un Français consomme environ 50 kg d’aliments en conserve par an, dont près de la moitié sont des légumes.

200 ans après son invention, la boîte de conserve a donc toujours bien la cote auprès des consommateurs.

L’appertisation, un procédé révolutionnaire

L’histoire de la boîte de conserve commence à la toute fin du XVIIIe siècle, à Paris. Nicolas Appert, confiseur et fils de vigneron, a l’idée de placer des aliments dans une bouteille de verre épaisse, d’une qualité équivalente à celles utilisées par son père pour le champagne. Il la ferme hermétiquement et la fait bouillir au bain-marie. En la portant à plus de 100°, il détruit ainsi tous les microbes susceptibles d’altérer la nourriture.

Nicolas appert vient d’inventer l’appertisation. Une méthode de stérilisation qui va révolutionner la conservation des aliments.

Il était jusqu’alors quasiment impossible de conserver plus de quelques jours des aliments frais sains et sans en altérer le goût.

En 1810, Nicolas Appert est récompensé pour ses travaux et publie sa découverte, mais il ne dépose pas de brevet.

1813 : la naissance de la boîte de conserve

Peter Durand, un commerçant britannique, ne mettra pas deux mois pour le faire à sa place, dans la foulée de sa publication. Il développe la technique en remplaçant les bouteilles et les bocaux en verre par des boîtes en fer recouvertes d’étain. 

Leur gros avantage par rapport aux contenants en verre utilisés par Nicolas Appert, c’est leur solidité. Très vite, les marins vont l’adopter. C’est la solution à tous les problèmes d’approvisionnement en vivres frais pour les longs voyages en mer. Plus besoin d’embarquer du bétail à bord et plus de risque de repartir le ventre vide des escales.

La boîte de conserve fait disparaître la famine et le scorbut sur les bateaux, une très grave carence en vitamine C qui décimait les équipages.

Les guerres jouent un rôle fondamental dans l’histoire de la boîte de conserve. Elles contribueront largement au développement de sa production, notamment la guerre de Sécession aux États-Unis, à partir de 1860. Les cantines seront largement approvisionnées en corned-beef, pratique et rassasiant.

La production est multipliée par 6, plus de 30 millions de boîtes sont alors fabriquées chaque année outre-Atlantique.

Un produit de luxe et de voyage

Mais pendant près d’un siècle, seuls les soldats, les explorateurs et les classes aisées profitent des plaisirs et des bienfaits des conserves.

En Inde, les colons britanniques importent massivement leurs spécialités « Made in England » au détriment de la gastronomie locale.

Aux Etats-Unis, tout se met déjà en boîte à l’abri des parasites et de l’humidité, que ce soit du chewing-gum, du sirop d’érable, des cosmétiques ou du tabac. Le lait condensé est inventé.

Pendant ce temps, sur le Vieux continent, les riches européens découvrent le plaisir de se régaler d’abricots ou de petits pois en hiver.

La grande histoire de la boîte de conserve a longtemps été marquée par les voyages au long cours.
Luciano Andreetto

Une popularisation lente

Fabriquer des conserves est alors long et coûteux. Mais ce n’est pas le seul obstacle à la popularisation de cette méthode de stockage.

Les consommateurs se méfient de cette nourriture que l’on ne peut pas voir avant d’acheter. Il y a des inquiétudes quant à la qualité des denrées commercialisées et leur teneur en vitamines.

Il faut reconnaître que les méthodes de stérilisation ne sont alors pas toujours optimales . Les boîtes réservent parfois de mauvaises surprises.

Les industriels américains mettent alors en place des campagnes publicitaires. Ils créent des réseaux d’acheminement et de distribution et font baisser les prix.

La boîte de conserve s’installe ainsi dans les habitudes des anglo-saxons. Pratique, elle permet de gagner un temps précieux dans la préparation des repas. L’appertisation peut même se faire à la maison pour consommer les produits du jardin tout au long de l’année.

La gastronomie s’ouvre au monde

De leur côté, beaucoup de Français expérimentent la boîte de conserve au cours de la Première Guerre mondiale. C’est un des outils privilégiés pour ravitailler les soldats sur le front, tant par les cantines officielles que grâce aux colis des familles.

Un des moments clé de l’histoire de la boîte de conserve en Europe, c’est la Seconde Guerre mondiale. Les G.I.’s débarquent et le mode de vie américain devient tendance après la Libération.

Après le poisson, la viande, les fruits et les légumes, c’est l’avènement des plats préparés. Les spécialités du terroir se mettent en boîte. C’est le cas du confit, de la choucroute ou du cassoulet, mais aussi des produits exotiques.

Quasiment toutes les préparations peuvent être mises en conserve. Des plus simples aux plus raffinées.

Contrairement à certaines idées reçues, l’appertisation préserve mieux les oméga-3 que la congélation. Elle garde en moyenne 70 % des vitamines. Un plat mitonné directement à partir des produits frais du marché n’en conservera, lui, que 83%.

Les emballages métalliques accompagnent ainsi le développement de l’industrie touristique. Ils permettent aux producteurs régionaux de faire connaître et de vendre leurs produits bien au-delà de leur marché local habituel.

Un emballage en constante évolution

La grande histoire de la boite de conserve a été jalonnée d'innovations techniques pour améliorer son utilisation et son innocuité.

En même temps que le contenu, le contenant évolue. C’est le cas de son ouverture, par exemple. 

Pendant plus de 40 ans, ouvrir une boîte de conserve était une opération plutôt risquée. Il fallait utiliser un marteau et un burin ou un fer à souder rougi sur le feu pour percer le métal du couvercle !

Le premier ouvre-boîte a été inventé dans les années 1850. En 1894, c’est la boîte de sardine à ouverture par décollage. En 1932, les boîtes en acier à amincissement apparaissent et, en 1967, le couvercle à ouverture facile.

90 % des boîtes en sont aujourd’hui équipées.

L’histoire de la boîte de conserve, c’est aussi celle d’un objet en évolution régulière, notamment en matière d’éco-conception et d’optimisation sanitaire.

Le fer chromé et l’aluminium sont venus compléter le fer blanc, l’épaisseur du métal a été réduite (- 30 % en 30 ans) et ses performances mécaniques améliorées.

Des composants plus sains

Le soudage électrique, puis le sertissage ont remplacé le soudage au plomb qui contaminait parfois les aliments et contribuait à propager le saturnisme.

Le vernis de protection qui évite la corrosion du métal et isole le contenu de la boîte a été assaini. Depuis 2012, les vernis epoxydes à base de perturbateurs endocriniens comme le bisphénol A ou les phthalates ont été interdits dans l’Union européenne.

Autant d’innovations qui font des boîtes métallique l’un des emballages les plus sûrs pour le stockage des denrées alimentaires.

C’est certainement une des raisons de sa grande popularité, avec ses côtés pratique et économique.

Recyclable à 100 % et indéfiniment

Moins connue et pourtant fondamentale au regard des défis environnementaux auxquels est confrontée la planète, c’est son extrême recyclabilité. 

Comme le verre, l’emballage métallique est un matériau permanent. Cela signifie qu’il a des propriétés chimiques simples qui lui permettent d’être recyclable à 100 % et à l’infini en boucle fermée, sans altération de ses propriétés.

Une fois triées, les boîtes sont refondues pour fabriquer de nouveaux produits. Un processus qui nécessite 95 % d’énergie en moins par rapport à une production à base de matières premières « neuves ».

Une tonne de métal recyclé produite, c’est deux tonnes de matières premières économisées.

En France, 80 % des emballages métalliques sont recyclés.

Un objet du quotidien partout sur la planète

La boîte de conserve est aujourd’hui un objet banal, omniprésent dans le quotidien de tout un chacun. 

C’est vers elle que les consommateurs se tournent en temps de crise. Pour son prix, mais aussi son côté rassurant. Quoi qu’il advienne, il restera toujours des conserves dans le garde-manger.

Une tendance qui s’est à nouveau vérifiée pendant la pandémie du Covid 19. Les ventes ont augmenté en France de plus de 12 % en un an.

C’est aussi un objet que l’on adore détourner depuis toujours.

Reliées par une ficelle, deux boîtes métalliques forment un téléphone acoustique, empilées, elles deviennent un chamboule-tout pour amuser les enfants, sous le pinceau d’Andy Warhol, elles se font oeuvre d’art… C’est aussi cela l’histoire de la boîte de conserve.

Mais s’il faut rétablir une vérité en conclusion, c’est bien celle du mythe de Popeye. On ne compte guère, en effet, que 3 milligrammes de fer pour 100g d’épinards. Un taux honnête, mais bien inférieur à celui des lentilles, des oeufs ou d’un bon confit d’oie du Périgord !

La grande histoire de la boîte de conserve, c'est aussi celle du développement du commerce de produits du terroir, dont celui du confit d'oie.